Interview Bertrand Coty
Julien Christler, vous nous invitez, dans votre dernier essai « le nouveau citoyen », à réfléchir à la démocratie. Comment moderniser son fonctionnement à un moment où le citoyen semble douter de sa pertinence ?
Je crois que le citoyen a toujours la même envie de s’engager. Je ne crois pas dans ces litanies incessantes qui consisteraient à dire que la société est devenue nihiliste et que les citoyens ne croient plus en rien. Ce que j’évoque dans ce livre est, en revanche, le fossé qui s’est creusé entre les citoyens actifs qui sont formés à la science de gouvernement car ils ont suivi des formations dans des écoles telles que Sciences Po, l’ENA ou Harvard et ceux qui sont, finalement « cantonnés » à arbitrer entre les différentes formations politiques. Pour moderniser son fonctionnement, les deux piliers à mettre en avant sont la formation de tous les citoyens et l’association des citoyens aux organes politiques existants.
L’individualisme qui domine nos modes de vie, ne porte-t-il pas inévitablement en lui l’échec de la construction collective ?
Il est vrai que l’on parle beaucoup de l’individualisme dans nos sociétés occidentales. Outre l’aspect politique, l’individualisme est surtout un phénomène social et culturel. On vit dans des sociétés plutôt privilégiées, si on analyse cela sur un plan géographique et historique. Nous vivons dans des sociétés pacifiées, dont l’économie se porte plutôt bien. Je pense, cependant que l’individualisme n’est pas quelque chose d’absolu et d’irréversible. On peut se rappeler des grandes manifestations qui ont suivi l’attaque de Charlie Hebdo et de l’Hyper casher ou, plus récemment de l’élan de solidarité après qu’un séisme est frappé le Maroc. Les sociétés savent se rassembler lorsque les circonstances l’exigent.
Comment redonner un rôle plus actif aux citoyens sans priver le pays d’une nécessaire efficacité de la décision politique ?
Le système démocratique qui s’est montré le plus efficace jusqu’à présent est le système représentatif. Même s’il présente des défauts, que je ne manque pas de soulever dans le livre, il est indéniable que c’est le système le plus pertinent. Il ne faut, cependant, pas se reposer sur ses lauriers et balayer d’un revers de la main toutes tentatives de réforme de ce système. Il ne faut pas non plus opposer démocratie représentative et participative car, en définitive, l’un peut servir l’autre. Plus haut, j’évoquais l’inclusion des citoyens dans les organes politiques locaux et nationaux. Associer les citoyens aux organes législatifs permet véritablement d’entretenir le débat politique et de déplacer la voix populaire de la rue vers les instances décisionnelles. Si le citoyen sent qu’il est en capacité de faire bouger la société, qu’il se sent écouté et en capacité de faire, il croira davantage en la démocratie que s’il est simplement là pour arbitrer une sorte de jeu de pouvoir et d’ambition.
Dans les temps d’incertitude que nous traversons, repenser nos modes de fonctionnement démocratiques n’est-il pas le premier barreau de l’échelle à gravir ?
Il est effectivement essentiel de réformer en priorité les organes politiques car, c’est finalement ce qui régit le fonctionnement de la société, depuis que les sociétés existent. C’est d’ailleurs pour cela qu’il faut prendre cela au sérieux et ne pas agir en réaction à une crise ou à des incertitudes. On ne réforme jamais bien lorsqu’on agit en réaction car, au final, on envisage les choses de manière partielle, pour résoudre un conflit, sans forcément tenir compte de problématiques sous-jacentes. Mon objectif, à travers ce livre est de proposer quelque chose de concret, sans « renverser la table », mais de telle sorte à ce que le système que je propose puisse s’inscrire dans la durée.
Julien Christler, juriste de 25 ans, a rapidement développé un goût pour la politique. Du militantisme politique, notamment pour soutenir Alain Juppé durant la campagne des primaires de la droite en 2015, jusqu’à son expérience de conseiller municipal, Julien Christler a longtemps cherché comment être utile à la société et répondre aux enjeux auxquels la société est confrontée aujourd’hui. À travers cet essai, mêlant propositions politiques et analyse historique, Julien Christler se propose d’imaginer un nouveau système politique, soucieux de faire participer le plus grand nombre.
