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Comment réduire l’impact de nos pratiques numériques

Interview Bertrand Coty

Louise et Jérémy Pastouret, vous publiez un livre aux éditions ENI, Comment réduire l’impact de nos pratiques numériques. Comment peut-on évaluer ces impacts et quel en est le caractère le plus critique ?

L’impact du numérique est vaste, tout simplement parce qu’on s’en sert chaque jour dans un cadre personnel comme professionnel. Évaluer nos impacts selon nos usages prend du temps, c’est pour cela que nous proposons dans notre ouvrage des informations classées par chapitre d’activité. Par exemple : si vous faites beaucoup de visio-conférences, vous pourrez vous faire une idée des émissions équivalent CO2 correspondant à une heure de réunion à distance.

Mais au-delà des usages, l’impact le plus critique du numérique est lié aux équipements : en d’autres termes, nos ordinateurs et nos smartphones. Pour les construire, il faut puiser dans des métaux précieux et non renouvelables : un processus d’extraction et de miniaturisation très coûteux en ressources et très polluant. Les centres de données serveurs, quant à eux, sont aussi de plus en plus polluants, car ils contiennent toujours plus de données, parallèlement à une puissance de calcul accrue. Un domaine pour lequel il n’y a que peu de chiffres pour le moment, car les géants du web n’ouvrent pas leurs portes à des tiers indépendants pour effectuer des mesures précises.

Comment agir pour nous préserver et préserver la planète ? Vous abordez 3 thèmes : l’éthique ; la durabilité, l’inclusivité.

L’espace numérique manque terriblement d’éthique : pistage des utilisateurs, réutilisation de leurs données personnelles à leur insu, piratage des informations… On constate particulièrement ce manque d’éthique aujourd’hui avec l’émergence des intelligences artificielles. Elles œuvrent sans complexe après avoir récupéré un nombre phénoménal d’informations sans l’accord de leurs auteurs, des artistes… Les données collectées s’entassent sur des serveurs très gourmands en ressources (eau, électricité…) pour faire fonctionner des algorithmes ou des logiciels. L’impact de l’IA sur les humains est aussi contestable : emplois, santé mentale, discrimination, travailleurs du clic…

Concernant la durabilité des équipements, il est essentiel de faire fonctionner nos appareils le plus longtemps possible. La sobriété des usages permet d’éviter de surconsommer, d’acheter toujours plus d’appareils numériques lourds en ressources, dont nous n’avons pas forcément besoin.

Enfin, l’inclusivité est aussi un sujet crucial dans la mesure où toute une partie de la population se retrouve délaissée dans l’espace numérique. Des millions de Français, seniors comme adolescents, sont concernés par l’illectronisme dans un contexte de dématérialisation croissante : faire sa déclaration d’impôts, percevoir des allocations familiales, prendre rendez-vous chez le médecin… la plupart des interfaces numériques ne sont pas inclusives ni accessibles. Or nous pensons que le numérique devrait être effectivement utilisable par tous.

A-t-on besoin de connaissances informatiques poussées pour aborder votre ouvrage ?

Le livre a été conçu pour être lu par tout le monde : si vous savez allumer votre ordinateur, utiliser internet sur votre smartphone, cet ouvrage est fait pour vous. Nous voulions proposer des solutions accessibles à tous. Et si vous possédez des connaissances avancées en informatique, vous trouverez également des pistes concrètes pour réduire votre impact.

Le partage de la connaissance est-il encore pour vous un bénéfice essentiel du numérique ?

Nous sommes convaincus que le partage de connaissances sera toujours présent dans l’espace numérique, et que cette démarche apportera de réels bénéfices pour tous. Par exemple, en dépit de leurs désavantages, les réseaux sociaux ne sont pas foncièrement mauvais : ils permettent de regrouper des personnes pour défendre l’environnement, dénoncer les pratiques de certains gouvernements…

Le web nous rassemble et continuera à nous faire évoluer. En revanche, la généralisation des intelligences artificielles et de la collecte de données à grande échelle constitue un danger pour le numérique : il est indispensable de légiférer pour limiter des pillages d’informations et protéger la propriété intellectuelle.

éditions ENI
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Louise PASTOURET est la co-fondatrice du média Les Enovateurs. Experte en communication digitale, elle décrypte les rouages - et les conséquences - des réseaux sociaux, newsletters, etc. Elle accompagne les entrepreneurs pour réduire leur impact sur ces plateformes, et rendre leurs services en ligne accessibles à tous.

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Jérémy PASTOURET est développeur de solutions Web et expert en sobriété numérique. De par son expérience sur le terrain, il identifie au quotidien les problématiques éthiques et environnementales du numérique. Il a conçu plusieurs outils gratuits pour réduire cet impact (Garwen, Unlock My Data...).

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