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Pourquoi lancer des appels d’offres aggrave l’impact sociétal et environnemental des entreprises

Les Achats Régénératifs sont les nouveaux Achats* 

Les Bonnes Pratiques d’Achat enseignées et suivies depuis des décennies ont creusé le lit de certains des principaux problèmes auxquels nous faisons face aujourd’hui. Il est attendu d’une direction des achats qu’elle multiplie les appels d’offres. C’est pourtant une méthode qui détruit de la valeur et aggrave l’impact environnemental et sociétal des entreprises.

Les Bonnes Pratiques d’Achat suivies par les directions des achats depuis des décennies reposent sur quelques principes relativement simples : 

  • Négocier systématiquement les budgets de dépenses à la baisse chaque année, selon un pourcentage fixé par la direction financière. 
  • Consolider les dépenses auprès d’un nombre minimum de fournisseurs. 
  • Mettre en concurrence systématique des fournisseurs par le biais d’appels d’offres de plus en plus complexes 
  • Approvisionner dans les pays à bas coûts (Low Cost Country sourcing) 

Quant à la performance des achats, elle est évaluée principalement sur la base de la réduction des prix. Les réductions de coûts et les coûts évités ne sont, dans la grande majorité des cas, pas reconnus par les directions financières. 

Ces méthodes ont constitué la feuille de route des achats et la base d’évaluation de leur performance pendant de nombreuses années. Ces approches ont abouti à la désertification du réseau industriel occidental que nous connaissons aujourd’hui, avec des chaînes de valeur bloquées et affaiblies par les deux récentes crises, sanitaire et géopolitique. 

En effet, la recherche de solutions pour réduire l’empreinte environnementale et protéger la société n’a pas fait partie, jusqu’à récemment, de l’agenda des entreprises, poussant les directions des achats vers des choix essentiellement économiques. Les méthodes d’hier ont creusé le lit des problèmes auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui et dont il est très difficile de s’extraire. 

Après avoir démontré l’impact négatif du sourcing dans les Pays à Bas Coûts (Low Cost Sourcing) dans un précédent article, j’adresse dans cette deuxième tribune les conséquences des appels d’offres systématiques.

Les stratégies achats ont longtemps été réduites à des appels d’offre, c’est-à-dire en se limitant à mettre des fournisseurs en compétition, sélectionner le moins cher, et ensuite présenter ce résultat comme la stratégie achat à mettre en place. Cette approche qui ne vise qu’à réduire les prix détruit de la valeur, car le fournisseur sélectionné est contraint, sous la pression, de rogner sur sa marge.

Il est alors obligé de délocaliser, et donc de détruire de l’emploi dans les bassins industriels d’origine pour utiliser de la main-d’œuvre potentiellement sous-payée et maltraitée à l’autre bout du monde. Outre l’impact sociétal, cela aggrave les émissions de gaz à effet de serre nécessaires au transport des produits. Le fournisseur peut également parfois être contraint à utiliser des méthodes de production dégradées ou des ingrédients ou packagings de moindre qualité, ce qui aggrave également son impact environnemental et réduit la qualité des produits fabriqués à partir de ces matériaux.

Il existe une autre façon de faire baisser les coûts (et pas seulement les prix), de créer 100 % de valeur commerciale et RSE. Il s’agit de travailler en partenariat avec les fournisseurs, sur la base de la matrice des Achats Régénératifs.

Droits Elvire Régnier-Lussier

Un partenariat se construit sur le long cours. Impossible de développer de la collaboration, de créer de la valeur en remettant en cause chaque deux à trois ans une relation avec un fournisseur à travers le lancement d’un appel d’offres. Il faut donc trouver un autre moyen de s’assurer que les prix payés sont compétitifs, tout en protégeant la relation client-fournisseur.

En développant les partenariats avec des fournisseurs qui partagent des valeurs communes, les entreprises permettent la revue en profondeur des opportunités de réduction de coûts internes à l’entreprise ou partagées avec les fournisseurs, ainsi que la création de valeur commerciale et RSE. Le sujet des prix et de leur évolution doit être traité par la mise en place en toute collaboration de cost models détaillés, incluant des index permettant ainsi la mise à jour des tarifs. La mise en place de contrats sans date de fin, avec des clauses de sorties avec préavis, permet aux deux parties de s’inscrire dans la durée tout en s’assurant la liberté de quitter l’accord si cela devient nécessaire.

La méthode des Achats Régénératifs, dont l’objectif est de contribuer à la réparation des écosystèmes des fournisseurs, vise à modifier le modèle opérationnel des achats. L’objectif est de proposer une approche alternative à l’application d’une « couche » ESG sur des méthodes qui ont conduit aux succès financiers d’hier, mais aussi aux désastres environnementaux et sociétaux d’aujourd’hui. 

PS : Dans de prochaines publications, je reprendrai les Bonnes Pratiques Achats d’hier et proposerai des pistes d’évolution de leur modèle opérationnel afin qu’elles puissent contribuer à la régénération des écosystèmes fournisseurs. 

*Regenerative Procurement is the new Procurement 

Elvire Régnier-Lussier occupe depuis 30 ans des postes de direction achat en France, en Suisse et à New York. Elle promeut une approche régénérative des achats consistant à intégrer à l’operating model Achat la création de valeur et la RSE (site Regenerative-Advisory  https://rgn-advisory.com/). Elle collabore également comme Senior Advisor pour des cabinets de conseil en stratégie et enseigne les Achats Régénératifs au sein du Master Achat Supply Chain, ainsi qu’à la Grande École de l’Essec.

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