Soyons conscients que poser cette question revient à reconnaitre un tropisme typiquement français visant à catégoriser politiquement les mouvements de fonds de notre société. L’écologie par exemple a été captée pendant de longues années par une mouvance gauchiste, encore très largement majoritaire, qui a transformé un enjeu concernant tous en une problématique électorale destinée à certains.
C’est un vrai problème en vue de son adhésion par le plus grand nombre, car les enjeux écologiques du moment ignorent bien évidemment les subtilités de notre échiquier politique. Toute chose égale par ailleurs la question peut aussi se poser pour la RSE. Après tout nous avons une démarche qui fait appel aux canons traditionnels d’une pensée « de gauche » à savoir les droits de l’homme, la lutte contre la corruption, le sens de la communauté, le bien-être partagé. Rien en somme que n’auraient écarté les Fourier, Saint-Simon ou Bastiat du XIXe siècle dans leurs quêtes d’une révolution industrielle profitant au plus grand nombre.
Mais nous avons aussi une démarche « de droite » d’abord parce que les économistes cités ont su être appropriés par les grands industriels de leur temps qui y ont vu une façon de développer leurs entreprises dans la durée. Ensuite la RSE visant intrinsèquement à perpétuer la notion d’entreprises responsables dans notre écosystème ne peut qu’être appropriée par les acteurs économiques. Maintenant comme nous savons que nous ne pouvons pas être et de droite et de gauche, à peine de rejoindre un centrisme toujours qualifié de mou, la question qui peut se poser est de savoir à quoi la RSE se rattache.
La RSE est une démarche qui s’inscrit dans un long terme constitué d’une somme d’actions conçues et mises en place sur le court terme.
La RSE prône la libre adhésion des entreprises, mais, en même temps, propose un ensemble de règles visant à s’assurer du respect, par ces dernières, de normes sociétales exigeantes.
La RSE n’est donc pas le règne de l’ultralibéralisme ou du « laissez faire » cher à certains économistes comme Say, Bentham ou Smith, mais elle n’est pas non plus un avatar du marxisme.
La RSE est insaisissable puisque son corpus juridique relève plus du rattachement de normes de nombreux droits que d’un ensemble codifié autonome.
La RSE est complexe, car elle vise à rattacher entre elles des notions aussi différentes que l’emploi, la monnaie, l’intérêt général. Ce n’est pas une mince affaire.
En somme la RSE est d’inspiration keynésienne. La pensée de Keynes qui avait été négligée dans les années 60/80 est en train de faire un retour en force depuis les années 2000. Le rôle de l’État comme régulateur (ou bouclier c’est selon son regard) des dérives des marchés est assumé pour ne pas dire recherché. La RSE est une régulation comportementale des entreprises visant à ce que ces dernières ne deviennent pas des éléments sources de déséquilibres de notre société voire se substituant, dans certains cas, aux pouvoirs politiques.
C’est plutôt rassurant comme constat, on évite ainsi un débat droite/gauche stérile au profit d’une démarche macroéconomique qui tend à répondre aux attentes de chacun. C’est la raison d’être de la RSE.
Avocat au barreau de Paris, Associé RESPONSABLES