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Ce que vous appelez mécénat ressemble à s’y méprendre à du sponsoring

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Ce n’est pas illégal. Mais ce n’est plus désintéressé.

Récemment, j’échangeais avec une entreprise mécène. Une entreprise sincèrement engagée, qui soutient chaque année des projets d’intérêt général via sa fondation, et aussi hors fondation.

C’est en l’écoutant que j’ai réalisé à quel point la frontière entre mécénat et sponsoring peut devenir floue, même pour les équipes les plus investies.

Dans cette entreprise :

  • Le mécénat porté par la fondation est clairement désintéressé, orienté vers des causes sociétales, avec une gouvernance indépendante.
  • Mais en parallèle, certains projets sont soutenus avec des attentes fortes en matière de contreparties. Le comité de direction attend une bonne valorisation de ces contreparties, et c’est à l’équipe mécénat d’en assurer le suivi.

Tout cela reste dans le périmètre légal du mécénat, mais lorsque les contreparties prennent trop de place, la logique d’intérêt général s’efface peu à peu.

Et c’est là que le risque commence.

Mécénat ou sponsoring : ce que dit le cadre

Le mécénat : un engagement désintéressé

Le mécénat, selon l’article 238 bis du Code général des impôts, est un soutien apporté par une entreprise à une cause d’intérêt général, sans contrepartie équivalente.

Il peut prendre la forme :

  • D’un don en numéraire (don financier)
  • D’un don en nature (biens ou services)
  • Ou de mécénat de compétences (mise à disposition de collaborateurs)

Ce soutien ouvre droit à une réduction fiscale, à condition qu’il reste désintéressé, c’est-à-dire sans retour commercial direct.

Des contreparties symboliques sont possibles (remerciements, logo, invitation), mais elles ne doivent pas dépasser 25 % de la valeur du don, sous peine de requalification.

Le mécénat peut ainsi répondre à des enjeux stratégiques (ancrage territorial, marque employeur, innovation sociale…), tant que l’intérêt général reste la finalité première.

Le sponsoring : un levier de communication assumé

Le sponsoring (ou parrainage) repose sur une logique commerciale ou de communication.

L’entreprise apporte un soutien dans l’objectif clair d’obtenir :

  • De la visibilité (logo, médias)
  • Un retour sur investissement
  • Un positionnement sur des territoires d’image (sport, culture, environnement…)

Le sponsoring est une dépense de communication. Il n’ouvre pas droit à un avantage fiscal, car il implique une contrepartie directe.

Contreparties : là où les lignes se brouillent

C’est souvent autour des contreparties que mécénat et sponsoring se confondent.

Des entreprises mettent en œuvre des actions qu’elles appellent « mécénat », tout en en attendant des retombées concrètes : visibilité, accès à des événements, notoriété.

Or, selon l’Agence française anticorruption (AFA), cette zone grise peut faire naître des risques juridiques et réputationnels :

  • Requalification fiscale (perte des avantages liés au mécénat)
  • Détournement de finalité du don
  • Conflits d’intérêts ou favoritisme, si les projets sont choisis pour les bénéfices qu’ils apportent à l’entreprise, plus que pour leur impact sociétal

Et au-delà du droit, ce flou affaiblit la crédibilité des engagements de l’entreprise.

Deux leviers différents, mais complémentaires

Il ne s’agit pas d’opposer mécénat et sponsoring.

Les deux ont leur place dans une stratégie responsable et cohérente.

  • Le mécénat incarne un engagement désintéressé, durable, structurant. Il inscrit l’entreprise dans l’intérêt général.
  • Le sponsoring permet de soutenir des causes ou événements, tout en servant une stratégie de visibilité : produit-partage, course solidaire, exposition engagée, sponsoring d’une équipe handisport, etc.

 Ce qui compte, c’est la clarté :

  • Bien nommer les choses
  • Cadrer chaque démarche
  • Être transparent sur les intentions

5 repères pour agir avec clarté

Voici quelques bonnes pratiques inspirées de l’AFA :

  1. Clarifier la distinction mécénat / sponsoring dans vos politiques internes
  2. Structurer une gouvernance dédiée : comités, processus, validations
  3. Encadrer les contreparties, même en mécénat :la visibilité du mécène doit rester symbolique et proportionnée
  4. Assurer la traçabilité : convention, valorisation, suivi
  5. Former les parties prenantes : mécénat, RSE, communication, juridique, achats… pour préserver l’éthique du mécénat.

Deux outils au service d’un engagement cohérent

Mécénat et sponsoring ne sont pas interchangeables. Mais pensés ensemble, ils peuvent se renforcer mutuellement.

Le mécénat porte une intention désintéressée. Le sponsoring cherche un retour sur investissement.

L’un engage l’entreprise dans la durée. L’autre amplifie sa visibilité.

Les deux peuvent porter du sens. Mais pas dans les mêmes termes.

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Fondatrice de Simply for Good dont la mission est de conseiller et d’accompagner opérationnellement les entreprises dans la construction, la structuration ou la montée en puissance de leur stratégie mécénat.

Quelle que soit leur taille, les entreprises peuvent toujours mieux et plus s’engager, et engager leurs collaborateurs, face aux grands défis sociaux et environnementaux. Et faire ainsi du mécénat un véritable levier d’impact positif sur leurs territoires, collaborateurs, image de marque et attractivité (candidats, clients…).

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