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L’analyse de l’évaluation extrafinancière par Ecovadis

Quels sont les secrets du succès de EcoVadis, la licorne[1] française de la notation extra financière ? Sylvain Guyoton nous fait entrer dans les coulisses de cette réussite qui bouscule le monde de l’évaluation RSE (Responsabilité sociétale des entreprises). L’entreprise dont il est Chief Rating Officer évalue les pratiques éthiques, les performances sociales et environnementales de fournisseurs pour le compte de donneurs d’ordres, historiquement les organisations achats. Sa puissante plateforme collaborative rassemble plus de 800 donneurs d’ordres aux chaînes de valeur mondialisées, et avec eux plusieurs dizaines de milliers de fournisseurs et sous-traitants.

EcoVadis a pour ambition d’identifier les risques engagés tout au long de la chaîne de responsabilité de ses clients en remontant « le plus en amont possible dans les chaînes d’approvisionnement, en étudiant les fournisseurs des fournisseurs des fournisseurs. Plus on remonte en amont, plus les impacts sont importants » nous confie cet expert. EcoVadis est devenu le spécialiste mondial de la notation extra financière de la supply chain et des entreprises partenaires, une idée révolutionnaire, qui lui vaut sa place parmi les licornes françaises suite à une levée de fonds en juin dernier de 500 millions de dollars.

En quoi son modèle a-t-il su convaincre des investisseurs européens comme Astorg, BeyondNetzero, GIC Private Limited ou encore Princeville Capital ? L’internationalisation en cours des activités du spécialiste de l’évaluation et de la performance RSE des PME et ETI nous invite à mieux connaître ce géant en devenir. 

Sylvain Guyoton, comment expliquez-vous votre fort développement et l’atteinte de ce statut de licorne ?

SG : « Nous évaluons les performances RSE de plus de 100 000 entreprises de toutes tailles dans 175 pays, sur la base de 21 indicateurs répondant aux standards internationaux allant de la prévention du travail forcé aux émissions de Co2. Si la méthodologie d’évaluation reste conforme aux mêmes principes directeurs depuis 15 ans, la fiche d’évaluation EcoVadis connait un succès grandissant auprès des acteurs du monde économique.

Ce ne sont plus seulement des acheteurs, ce sont aussi des fonds de Private Equity ou des banques qui évaluent désormais leurs clients entreprises dans le cadre d’une demande de prêt. La plateforme est utilisée par de nombreux clients entreprises, investisseurs, prêteurs qui veulent avoir des informations vérifiées sur leurs fournisseurs, entreprises en portefeuille, emprunteurs.

Notre offre s’est aussi considérablement élargie. Nos équipes ont par exemple développé une solution de cartographie des risques IQ Plus sur 6 niveaux en fonction du pays, de la taille, du secteur, des scores observés, ou bien encore le Carbon Action Module, qui permet aux donneurs d’ordres de savoir où en sont leurs fournisseurs sur la réduction des émissions de GES. Le Scope 3 et les émissions dites indirectes peuvent être très significatifs dans l’empreinte carbone totale d’une entreprise. L’urgence est d’autant plus grande que la réglementation s’intensifie sur les entreprises de plus de 500 salariés avec des exigences de transparence croissantes ».

Vous nous parlez de rating, mais le concept reste abscons pour le quidam. De quoi s’agit-il ?

SG : « Nous évaluons la qualité du système de management de la RSE d’une entreprise à travers ses politiques, les actions mises en place et les résultats. Notre référentiel comprend 21 critères issus principalement de l’ISO 26000. Le rating consiste à évaluer l’entreprise sur l’ensemble des critères activés selon sa taille, sa localisation et son secteur (selon l’analyse de matérialité propre à chaque secteur) : on comprend aisément qu’une entreprise d’informatique aura moins de critères environnementaux que son homologue chimiste…

Pour chaque entreprise, sa taille, son secteur d’activité et les pays dans lesquels elle opère sont donc systématiquement qualifiés. Puis nos analystes regardent s’il y a des objectifs qualitatifs et/ou quantifiés, l’ensemble des actions mises en place en interne et ce qu’elle prévoit de mettre en place pour atteindre ses objectifs… En résumé, dans chaque rating, trois niveaux sont analysés : objectifs, actions et résultats ».

On imagine bien le montant faramineux d’information à manipuler. Comment-faites vous pour vérifier les informations ?

SG : « L’un des principaux éléments distinctifs de notre méthodologie d’évaluation est l’intégration de multiples sources de données externes pour compléter la documentation et les preuves fournies par les entreprises évaluées. Nous construisons au fil du temps un filet technologique qui récupère des centaines des milliers de datapoints par entreprise. En plus des preuves documentaires fournies par l’entreprise, nous recherchons les informations auprès de tiers de la profession (certificateurs, labellisateurs, bases de données tiers) et des parties prenantes.

Plus de 100 000 sources externes sont screenées quotidiennement dans notre outil de veille, 360 Watch, dont les informations sont traitées et qualifiées : par exemple, quand il y a une amende pour pollution, c’est une opinion émise par les autorités administratives. Nous avons une base de données interne sur des centaines de labels qu’on a pré-scorés en fonction des labels, de la qualité de la certification. Les scores EcoVadis sont des scores de niveau sur 100. Ils synthétisent l’ensemble de l’analyse et permettent à l’entreprise évaluée de se situer par rapport aux autres entreprises du même secteur. A noter, depuis 6 ans, certaines statistiques agrégées sont publiées annuellement dans notre étude Business Sustainability Risk and Performance Index ».

La confiance est en effet essentielle dans le fonctionnement des marchés et particulièrement dans l’univers en expansion que constitue la RSE. Comment pouvez-vous garantir la valeur de vos notations à vos clients ?

SG : « Ce que nous mettons en avant, c’est avant tout un système basé sur des informations en grande quantité et très diverses. Nos sources sont multiples, nous voulons un maximum d’informations, les plus riches et les plus contradictoires possible pour fiabiliser le rating. Au-delà des algorithmes, il faut des analystes pour digérer l’information. Nous disposons de plus d’une panoplie de techniques de contrôle de fiabilité de l’information. Nous avons des critères d’éligibilité, de qualité, des systèmes pour vérifier par exemple qu’un document n’a pas été créé uniquement pour l’évaluation, ou frauduleusement modifié. Nous sommes capables d’identifier des certificats de type ISO dont les dates de validité sont modifiées. Nous pouvons aller jusqu’à déclencher des audits sur site, en cas de doute, dans certains secteurs ou pays à risque… Nous nous assurons que nos équipes ont le même niveau de compétence en formant en continu tous nos analystes dans notre « EcoVadis Academy ». Enfin, notre système d’assurance qualité globale à l’entreprise permet de vérifier que la méthode est suivie. La technologie est là pour permettre à nos analystes de se concentrer sur les tâches à forte valeur ajoutée, en expertise ».

Interview de Sylvain Guyoton Chief rating Officer EcoVadis par Vincent Maymo Directeur adjoint IAE Bordeaux Université de Bordeaux

En savoir plus sur EcoVadis : https://ecovadis.com/fr/about-us/

EcoVadis recrute : https://ecovadis.com/fr/careers/


[1] Une licorne, en économie, est une startup dont la valorisation a dépassé le milliard de dollars

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Spécialiste du secteur financier, Vincent Maymo est docteur en gestion et professeur des universités. Il occupe les fonctions de directeur adjoint de l’IAE Bordeaux et de responsable de l’axe RSE de l’institut de Recherche en Gestion des Organisations. Il est l’auteur, avec Geoffroy Murat, de la Boite à Outils du Développement Durable et de la RSE.

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