
Par une décision du 6 novembre 2025 (CE, 5ème et 6ème chambres réunies, 6 novembre 2025, n°497471), le Conseil d’État a rejeté le recours de la Société d’exploitation d’un service d’information (SESI), exploitante de la chaîne de télévision CNews, contre la sanction de 20 000 euros que l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) lui avait infligée le 3 juillet 2024. Le Conseil d’Etat rappelle ainsi à CNEWS que le réchauffement climatique dû aux activités humaines est scientifiquement établi. Affirmer le contraire, sans que cette position ne soit mise en perspective ou sans qu’une contradiction ne soit exprimée, constitue un manquement légalement condamnable.
“Le réchauffement climatique anthropique est un mensonge, une escroquerie, à un moment il va falloir poser les choses scientifiquement, c’est pas une loi de la science […]”. “Il y a un réchauffement climatique depuis le milieu du XIXe siècle, mais qui suit un mini âge glacière, […] donc le climat a toujours évolué, il va continuer de le faire, mais nous expliquer que c’est à cause de l’Homme ça non, ça c’est de l’ordre du complot, et pourquoi ça a autant de poids ? Parce que ça justifie l’intervention de l’État dans notre vie, et ça aussi absout l’État de devoir diminuer ses dépenses publiques”. Ces propos ont été tenus lors de l’émission “Punchline Été” diffusée le 8 août 2023 par un intervenant invité, après une séquence consacrée à l’information selon laquelle le mois de juillet 2023 avait été le mois le plus chaud jamais enregistré. Ces propos sur l’absence d’influence humaine sur le réchauffement climatique n’ont suscité aucune réaction de la part des autres personnes présentes en plateau.
Ce silence et cette absence de contradiction, après la tenue de tels propos sur une chaîne de télé comme CNEWS, sont-ils condamnables au regard de la loi ?
Il convient de répondre par l’affirmative, selon les Juges du Palais-Royal. Telle est en effet la portée de l’arrêt susvisé du 6 novembre 2025.
Aux termes de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, l’ARCOM “garantit l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent”. Selon l’article 1er de la délibération du Conseil supérieur de l’audiovisuel du 18 avril 2018 relative à l’honnêteté et à l’indépendance de l’information et des programmes qui y concourent, “l’éditeur d’un service de communication audiovisuelle doit assurer l’honnêteté de l’information et des programmes qui y concourent. (…). Il fait preuve de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information. Il veille au respect d’une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue par les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne « . Aux termes de l’article 2-3-7 de la convention conclue le 27 novembre 2019 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel (remplacé depuis par l’ARCOM) et la SESI, “l’exigence d’honnêteté s’applique à l’ensemble des programmes”. Enfin, au regard de l’article 2-2-1 de la même convention, « l’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse. Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne”.
Selon l’ARCOM, sur le fondement de ces textes, contester la réalité du réchauffement climatique issu de l’activité humaine est un manquement de l’éditeur à ses obligations conventionnelles et légales puisqu’il appartient en principe à l’éditeur d’assurer une présentation honnête des questions prêtant à controverse, en particulier en assurant l’expression des différents points de vue. Une sanction de 20 000 euros a donc été infligée le 3 juillet 2024 par l’ARCOM à la SESI, exploitante de la chaîne de télévision CNews.
Le Conseil d’Etat, saisi par cette même société contre la décision de l’ARCOM susvisée, a confirmé la régularité de cette sanction dans son arrêt du 6 novembre ici commenté. Cette décision de justice est venue rappeler, à cette occasion, que les dispositions précitées “ne font pas obstacle à la définition par l’éditeur du service conventionné d’une ligne éditoriale qui peut le conduire à faire intervenir à l’antenne des personnalités développant les thèses les plus controversées, dont les propos ne sauraient être regardés comme relevant par eux même de la présentation et du traitement de l’information par l’éditeur du service. Elles lui imposent cependant, y compris dans les programmes qui, sans avoir pour seul objet la présentation de l’information, concourent à son traitement, même sous l’angle de la polémique, de n’aborder les questions prêtant à controverse qu’en veillant à une distinction entre la présentation des faits et leur commentaire et à l’expression de points de vue différents”.
Rien de nouveau d’un strict point de vue juridique puisque ce principe est constant et résulte de plusieurs décisions anciennes du Conseil d’Etat (CE, 22 novembre 2019, n°422790, mentionné dans les tables du recueil Lebon ; CE, 21 décembre 2023, n°470565, mentionné dans les tables du recueil Lebon). Certaines concernaient déjà CNEWS (CE, 4 août 2023, n°465757 ; CE, 4 août 2023, n°465759). L’originalité de cette sanction de l’ARCOM validée par la justice administrative porte en réalité sur son thème (la “désinformation climatique”) plus que sur la solution juridique adoptée.
Notons enfin que le même jour, le 6 novembre 2025, le Conseil d’Etat a confirmé d’autres sanctions pécuniaires infligées à CNEWS par l’ARCOM, cette fois pour d’autres propos polémiques (pour ne pas dire davantage…) tenus sur son antenne comme “l’immigration tue” (CE, 6 novembre 2025, n°497473) ou encore une affirmation selon laquelle l’antisémitisme serait la conséquence de “l’immigration arabo-musulmane” (CE, 6 novembre 2025, n°495634). Chacun appréciera la teneur de ces propos.

Président de FRD CONSULTING et de FRD LEARNING. Son expérience de juriste et d’avocat lui a notamment permis d'acquérir une solide expertise en droit immobilier public (droit de l’urbanisme, droit des collectivités territoriales, droit de l’environnement…).
- Spécialiste en droit public et en RSE
- DEA Droit public des affaires
- DESS Droit de la construction et de l'urbanisme
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