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Résister à la régression : lettre à celles et ceux qui ne renonceront pas

Alors que les attaques contre la durabilité, la RSE et les réglementations environnementales se multiplient depuis 2024, un collectif d’acteurs engagés – fresqueurs, responsables RSE, consultants, dirigeants, formateurs, associatifs – adresse cet appel aux lecteurs de la revue Responsables. La tribune ci-dessous est ouverte à signature : toutes celles et ceux qui souhaitent l’approuver sont invités à rejoindre les signataires via le lien indiqué à la fin du texte.

Nous vivons un moment de bascule. Les limites planétaires sont franchies les unes après les autres, et celles de nos sociétés humaines ne tiennent plus. Le dérèglement climatique s’accélère, les inégalités s’aggravent, la défiance mine les démocraties. Le sentiment d’impuissance gagne, pendant que les dirigeants politiques et économiques les plus puissants tentent de prolonger l’insoutenable.
Ce n’est plus un débat scientifique : c’est un fait. Nous vivons la fin d’un modèle.

Pendant un temps, nous avons cru à l’éveil. Après le choc du Covid, les années 2022 et 2023 avaient semblé ouvrir une ère nouvelle. Partout, des entreprises s’engageaient, des dirigeants parlaient de responsabilité, des salariés de sens. La RSE, la durabilité, la transition, semblaient enfin devenir des évidences partagées.
Mais l’élan a été capté.
Les grands cabinets ont transformé l’urgence écologique en marché à forte rentabilité. Les plans RSE sont devenus produits d’appel ou alibis, les formations des lignes budgétaires, les convictions des variables d’ajustement. La sincérité s’est diluée dans la rentabilité.

Puis le vent a tourné.
L’élection de Donald Trump aux États-Unis a libéré une parole réactionnaire, illibérale, parfois ouvertement fasciste. En Europe, elle a trouvé un écho immédiat : dirigeants, médias, réseaux d’influence ont repris le discours du « trop de normes », du « trop de contraintes ». Quelques dizaines d’entreprises mondiales, parmi les plus riches de l’histoire, ont mis tout leur poids dans la balance pour freiner, retarder, neutraliser la transition.
Et l’Europe, au lieu de se dresser en rempart, a vacillé. En février 2025, Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne, annonçait la suppression des obligations de reporting de durabilité.
Une annonce fausse, mais volontairement lancée pour tester l’opinion et rassurer les lobbies.
Ce jour-là, beaucoup d’entre nous ont compris : même l’espoir institutionnel pouvait être manipulé.

Nous ne sommes pas dupes.
Les crises environnementales, sociales et démocratiques ne disparaîtront pas parce qu’on cesse d’en parler.
Les entreprises, les États et les citoyens qui s’y préparent survivront. Les autres subiront.
C’est la dure réalité du temps présent : l’effondrement est lent, mais il est commencé.
Et nul ne s’en abritera durablement.

Pourtant, nous ne renoncerons pas.
Nous sommes des femmes et des hommes qui ont choisi d’agir : fresqueurs de la RSE, formateurs, consultants, dirigeants responsables, militants, citoyens engagés.
Nous avons vu, expérimenté, enseigné ce que la transformation pouvait produire de meilleur.
Nous avons vu aussi les résistances, les inerties, les renoncements.
Mais nous savons que la lucidité n’est pas une faiblesse : elle est la première forme de courage.

C’est pourquoi nous appelons à une résistance sereine.
Pas une résistance contre les personnes, mais contre la résignation.
Une résistance digne, collective, organisée.

Il faut tenir, se protéger, et préparer l’après.
Se protéger financièrement, pour conserver la liberté d’agir demain.
Se protéger émotionnellement, pour ne pas céder au cynisme ni à l’épuisement.
Se protéger collectivement, en maintenant vivants les réseaux d’entraide, de partage et d’espoir qui ont fait naître la communauté de la responsabilité.

Les temps sont durs, mais ils ne dureront pas.
Les excès actuels précipitent leur propre fin.
Et lorsque le balancier repartira, lorsque la réalité rattrapera le discours, il faudra être là.

Prêts à reconstruire, à réengager, à rebâtir les alliances entre économie, société et planète.
Prêts à incarner de nouveau une humanité lucide et solidaire.

Nous ne sommes pas naïfs, nous sommes déterminés.
L’ancien monde s’accroche, mais il se fissure.
Et dans chaque fissure, la lumière revient.

Pour signer cette tribune, adressez nous un mail avec comme objet : Signature et votre nom et prénom : r.demersseman@citedelarse.fr

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Après un parcours industriel, Rémi Demersseman est devenu un entrepreneur à impact. De 2005 à 2015 il expérimente la RSE lors du développement d'une entreprise qui deviendra le 5ème acteur français du secteur des crèches. En 2015, il crée la fondation Oïkos pour la RSE qui déploie de multiples outils à destination des organisations en transition. Il est ainsi le concepteur de la fresque de la RSE, l'un des coordinateurs du Grand Livre de la RSE et le président du congrès international de la RSE.

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